jeudi 14 juillet 2016

TESTS : nous sommes en pédagogie formelle, mais nous n'en voulons pas



L'avis de Poule ou coq?

Nous sommes en ief pour la première année.

Nous avons fait le choix d'une pédagogie plutôt formelle, riche et dense, aucune matière n'est mise de côté, tous les piliers du socle de compétence sont travaillés et je n'ai aucun doute que nous les aurons atteints, voire dépasser, pour les 16 ans des enfants.

Et pourtant, nous refusons les tests.

Qu'avons-nous à craindre?

Tout d'abord, c'est une question de principe

Nous avons une obligation de moyens quant à l'instruction de nos enfants, pas de résultats. Il est donc logique de vérifier ces moyens mis en œuvre, et nous nous y plions volontiers.

Certains diront que "si on y met les moyens, il y forcément des résultats" (sic!) alors  contrôler l'un pour valider l'autre : pas de souci!

À cela je réponds : doit-on en déduire, devant les résultats en déclin de l'école, que l'Éducation Nationale n'y met pas les moyens?

Oui, dit ainsi, ça devient gênant... Et on rétropédale, on admet volontiers que divers facteurs extérieurs puissent parasiter ou retarder les résultats.

Et bien pour l'instruction en famille, c'est pareil.

C'est une question de justice par rapport aux enfants scolarisés

Quand on est à l'école, on est interrogé sur une partie bien précise du programme, on révise, on réussit tant bien que mal l'évaluation, puis on peut oublier la totalité de la leçon. L'inspecteur, ni même la maîtresse, ne viendra jamais en fin d'année vérifier les acquisitions de la totalité de l'année écoulée. Combien d'entre eux échoueraient? La majorité, j'en suis sûre. Et même là, ça n'aurait aucune conséquence équivalente (pour nous :  retour forcé à l'école!)

Le principe en est totalement incohérent

Les évaluations à l'école valident un état des connaissances à l'instant T; les points forts compensent les points faibles; il suffit qu'un élève soit "moyen" pour valider une année. En cas d'échec, aucune conséquence : on ne vas pas le changer de classe ni d'école! Et il passera malgré tout au niveau supérieur.

Les évaluations en IEF sont une injonction à l'excellence, dans tous les domaines, à tout moment sous peine de quoi... on les renvoie à l'école où ces injonctions n'existeront plus!

Oui, c'est un paradoxe.

Les inspecteurs peuvent tout à fait confirmer la réalité de l'instruction sans tests

Les enseignants ne sont pas inspectés tous les ans, loin de là.
Et lorsque l'inspection se déroule mal, on ne leur retire pas leurs élèves pour autant!
On n'attend pas d'eux des résultats, on n'interroge pas leurs élèves pour valider l'inspection.

L'inspecteur observe la façon de travailler de l'enseignant, puis il y a un échange autour des fiches de travail et documents.

Un inspecteur est un professionnel de l'éducation, apte à juger la réalité de celle-ci et à en confirmer la cohérence. Ce qu'il peut faire dans le cadre scolaire, il peut également le faire dans celui de l'instruction dans la famille.

Un contrôle d'inspection et ses conséquences sont des choses trop lourdes pour reposer uniquement sur les épaules d'un enfant

Vous avez déjà vu un enseignant une veille d'inspection? Panique à bord!!! Et il n'est pas rare que celle-ci se termine dans les larmes...

Comment peut-on imposer à des enfants, possiblement déjà fragilisés par des expériences malheureuses, ce que même des adultes aguerris peinent à encaisser?

Les tests vont à l'encontre de notre choix pédagogique, et même ils pourraient se révéler contre-productif, voire néfastes 

Notre pédagogie exclue tout échec.
Nous prenons garde à ce que nos enfants ne se retrouvent pas dans une situation où leur ignorance d'un fait ou leur incapacité à résoudre un problème soit indépassable : il n'y a que des situations qu'on n'a pas encore résolue! La réussite est parfois proche, parfois plus lente, avec des détours, mais elle est toujours au bout du chemin, quoi qu'il arrive.

Et le plus souvent, nous ne raisonnons même pas en termes d'échecs ou réussites : il y a "juste" le plaisir de la découverte, sans compétition ni performance.

Nous croyons que mieux vaut une tête bien faite que bien pleine, que le plus important est de nourrir leur curiosité et leur goût des apprentissage. Peu importe la quantité de faits, définitions, dates ils connaissent, quel intérêt si ils ne sont plus capable de s'intéresser à ces savoirs?

Je vais paraphraser Charlotte Mason : l'essentiel n'est pas "quelle quantité de fait et donnés l'enfant a mémoriser", mais "à combien de sujets différents est-il capable de s'intéresser, et à quel point s'en soucie-t-il?"


Les tests échouent à représenter les connaissances et acquis de nos enfants

Les tests diront que mon fils a un problème de graphie, qu'il est incapable de réciter l'alphabet dans l'ordre et donc de faire une recherche dans un dictionnaire, qu'il se trompe souvent dans les reports des soustractions, et qu'il ne connait toujours pas les terminaisons des verbes du 3e groupe. Ils ne diront pas qu'il est capable de placer presque n'importe quel pays sur une carte et de préciser la capitale de nombre d'entre eux, que ses connaissances sur les dinosaures sont quasi encyclopédiques pour son âge, qu'il est capable d'expliquer ce qu'est un quark ou un trou noir à des adultes et de raconter les plus récentes découvertes en recherches spatiales, ni qu'il peut dessiner de tête des mécanismes complexes qu'il n'aura pourtant parfois observé que quelques minutes.

Des tests diront que ma fille fait trois fautes d'orthographe par mot, qu'elle ne comprend rien aux divisions, et qu'elle ne connait pas ses tables de multiplication. Ils ne révèleront pas sont talent inné pour la danse (2ans d'avance dans son école), ni pour le dessin (ses dessins d'observation sont dignes d'un niveau lycée), ne diront rien de sa passion pour l'Egypte ancienne et les hiéroglyphes, ni sur le fait qu'elle est en train de programmer son premier jeu vidéo, ni qu'elle s'est lancé dans l'écriture de nouvelles.

Bref, les tests diront sans doute bien des choses, mais aucune d'entre elles ne parlera réellement de nos enfants. Quel intérêt?

À ce stade de la réflexion, on va me rétorquer : "yaka" expliquer tout ça avant et adapter les tests.

Oui, mais non. C'est pas aussi simple. Car même comme ça, il subsisterait un énorme obstacle, dernier point problématique, mais pas le moindre.

 

Mes enfants ont conscience de leurs différences

Comment pourraient-ils ne pas l'être quand le monde passe son temps à les leur renvoyer au visage à tout bout de champ?

Ils en ont conscience, et ont, par les bons soins de la société en général, de l'école en particulier, intégré qu'il s'agissait d'un problème, d'un défaut, d'une erreur, d'un handicap à résoudre, quitte à le médicaliser.

Alors, quand vient le moment d'être évalués, le mécanisme d'autodéfense se met en marche et ils se bloquent, avec des symptômes différents l'un et l'autre.

Pour notre fils : la résistance tranquille, la force de l'inertie. Il a développé cette capacité à ne rien dire, rien faire, il peut rester des heures (sans exagérer) à dévisager son interlocuteur sans un bruit, sans qu'aucune émotion ne transparaisse. RIEN de ce que l'on peut dire ou faire ne saurait le convaincre d'ouvrir la bouche ou d'écrire quoi que ce soit s'il n'en a pas envie. Parfois, il se contentera de ça. S'il n'aime vraiment pas la personne en face (une maitresse en particulier en a fait les frais), il va en profiter pour l'analyser et la juger très fort (et mal). Peut-être même qu'au moment où l'on commencera à conclure qu'il ne sait rien, il se fera un plaisir de balancer toutes les réponses avec un air d'évidence, comme pour dire "arrête de me prendre pour un imbécile, et nous pourrons peut-être discuter". Au "jeu" de l'humiliation publique devant les autres les élèves, je connais une inscrit' qui n'a pas eu le dernier mot.
Faut-il déduire de ce calme apparent que tout va bien pour lui? Non. Ce repli sur lui-même est le résultat d'un parcours scolaire fait d'échecs, de brimades et d'humiliations, tant par les autres élèves que par le corps enseignant.
Il n'est ni pertinent ni bienveillant de le pousser ainsi dans ses retranchements.

Pour ma fille : c'est une perfectionniste, elle ne se permet aucune erreur. Je l'ai vu rentrer en pleurs de l'école suite à la "très mauvaise note" (sic) de 17/20, persuadée de nous décevoir, s'excusant de toutes ses larmes... Je crois qu'elle cherche toujours à compenser les mauvais résultats de son frère. Chaque veille d'évaluation est une torture, faite de nuit blanche, crise d'angoisse, pleurs, vomissements... Elle complexe énormément sur son orthographe et supplie qu'on ne l'oblige pas à écrire publiquement.
Est-il constructif de la mettre au supplice annuellement?

Bref, les tests sont vécus chez nous comme un acte de malveillance, inutiles, ils ne disent RIEN de l'instruction passée, fragilisent un peu plus encore des enfants qui ont déjà bien assez souffert et nuisent aux apprentissages à venir.



2 commentaires:

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  2. Excellente idée que ton blog! <3 Merci pour ce partage et ce témoignage dans lequel je reconnais d'ailleurs certains de mes z'affreux!

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